Sinistré en 2011, suite à la Révolution, le secteur touristique, semble sortir la tête de l’eau et retrouver ses repères. Une reprise certes difficile. Néanmoins, le ministre du Tourisme, Elyes Fakhfakh, demeure optimiste quant à une reprise effective. Il estime d’ailleurs la réalisation d’une bonne performance en prévoyant l’arrivée de quelque 6 millions de touristes d’ici la fin de l’année. Dans cet entretien, il nous fait partager son optimisme sur les différents dossiers chauds du secteur. Un optimisme, peut-être justifié par la mise en place d’une feuille de route pour le développement du secteur fortement inspirée des différentes études réalisées dans le passé et élaborée, selon lui, en parfaite symbiose et concertation avec la profession.


Dès la prise de vos fonctions, vous avez affiché un optimisme pour l’avenir du secteur touristique. Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que vous avez obtenu gain de cause ?

Les indicateurs du secteur affichent une certaine amélioration. Nous avons enregistré une croissance d’environ 50% au niveau des entrées par rapport au premier trimestre de l’année dernière, tous marchés confondus. Aussi, la Tunisie a-t-elle accueilli, au cours du premier trimestre de l’année 2012, 116.000, touristes français, 42.000 allemands et 38.000 italiens.

Le total des Européens a été ainsi de l’ordre de 279.000 touristes, soit une croissance de 54,5% par rapport à 2011 et un écart négatif de -32,2%, par rapport à l’année 2010.

Quant aux touristes maghrébins, ils ont été de l’ordre de 629.000, réduisant l’écart par rapport à l’année 2010 de -3,2%.

Et même si le premier trimestre ne représente que 16% de l’année touristique, la destination Tunisie a récupéré un million de touristes sur les 7 millions réalisés en 2010.  Le secteur a ainsi réduit l’écart au niveau des entrées en comparaison avec l’année 2010, désormais, année de référence du secteur, pour se situer autour de -15%. Par contre, si les entrées ont évolué, il faut reconnaitre qu’au niveau des recettes touristiques, la croissance a été nulle et on est resté au même niveau.

Ceci est dû, à mon avis, au taux de change défavorable et à l’augmentation des dépenses par touriste.

On peut dire que globalement tous les marchés reprennent progressivement à l’exception de certains dont les marchés espagnol, scandinave et polonais, qui ne représentaient que 6% en 2010. Ceci étant, on n’a nullement l’intention de les abandonner. Bien au contraire, on va tenter de les redresser d’autant plus qu’on connait les problèmes entravant la croissance de ces marchés. Il s’agit essentiellement de l’aérien, de la commercialisation…et on y travaille.  Le retard accusé par le marché français est dû principalement au calendrier. Mais on demeure optimiste et on croit que le marché en France reprendra après les élections et on gagnerait probablement sur le last minute.

S’agissant du marché allemand, la destination a perdu au moins 80% de sa clientèle.

Est-ce que c’est un marché  récupérable ?

Oui si on revoit le produit, les services, la commercialisation. Outre les problèmes de conjoncture, les Allemands sont partis ailleurs parce qu’ils ont trouvé le produit qui répond à leurs attentes.

Mais, après la Révolution, on note un regain de confiance, un capital sympathie des Allemands pour soutenir la Tunisie en général et le tourisme en particulier.

Nous avons des promesses des Tours Opérateurs, mais aussi des responsables allemands. D’ailleurs, on s’accorde à dire que le million de touristes allemands est facilement récupérable, d’autant plus qu’il y a 60 millions de départs en Allemagne.

D’où, le grand défi pour le secteur du tourisme de se rattraper sur l’amélioration du produit, de la qualité des prestations, de la commercialisation avec notamment le développement du web marketing pour récupérer le marché allemand.

Vous avez annoncé récemment, une feuille de route du secteur afin qu’il retrouve ses repères. Pourriez-vous nous initier sur ce processus ?

Le tourisme souffre d’une conjoncture difficile suite à la Révolution. Mais en réalité,  il souffrait depuis plus d’une quinzaine d’années de problèmes structurels majeurs. Plusieurs études ont été engagées afin de trouver les remèdes nécessaires à un secteur stratégique pour l’économie nationale. Des études réalisées par des organismes sérieux dont la  Banque Mondiale, l’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA), et tout récemment le Bureau international «Roland Beger». Une étude sur laquelle il y a un consensus aussi bien au niveau du diagnostic du secteur que des pistes de réformes. Et, nous avons jugé que ce n’était pas opportun d’engager une nouvelle étude. Nous avons décidé de partir de la dernière, en nous inspirant des autres afin de mettre en place une stratégie et des actions ciblées pour promouvoir le secteur et garantir son développement.

Aussi, plusieurs séances de travail ont-elles été organisées avec les professionnels du secteur. On ne s’est pas limité aux hôteliers et aux agents de voyage, mais nous avons élargi le cercle à d’autres métiers du tourisme. Objectifs : revoir les priorités du secteur après la Révolution qui a imposé de nouvelles priorités et a changé beaucoup de choses. On ne rappellera pas assez que sous l’ancien régime, on a été dans un environnement d’affaires différent. Aujourd’hui, nous avons le courage politique nécessaire pour prendre les décisions adéquates, et notre décision n’est pas biaisée par des facteurs exogènes. On est dans une période post révolution, dans un gouvernement de transition. A ce titre, la profession a été associée à la réflexion sur le diagnostic tout autant que sur la feuille de route afin qu’elle s’approprie le projet.

Ayant tout cela à l’esprit, nous avons conçu une feuille de route couvrant la période 2012/2013, composée de trois étages.

D’abord, un étage conjoncturel. Ensuite, des actions «quick wins». Il s’agit là, de chantiers à engager sur le court terme et qui devraient s’achever à la fin de notre mandat. Enfin le 3ème étage concerne des chantiers de réformes à long terme. Des actions qui seront engagées sur les cinq prochaines années et qui seront relatives aux grands axes de développement du secteur, dans le cadre d’une vision globale de développement du secteur.

Mais ce secteur, comme tant d’autres d’ailleurs, a souffert des changements de ministres. Et chacun, désireux de laisser ses empreintes, essaye de mettre entre parenthèses ce que son prédécesseur a réalisé et engage de nouveaux chantiers. Comment peut-on garantir justement la pérennité des réformes ?

Nous y avons pensé à travers la mise en place d’un outil de gestion par objectif. Un outil qui garantira la flexibilité et la réussite de cette stratégie par le biais d’un modèle pragmatique.

Ce comité de gestion par objectif sera composé de l’Administration, de la profession au sens large ainsi que de consultants et d’experts.

Le comité sera très prochainement créé dans le cadre d’un conseil de ministres afin de veiller à mettre en place une structure permanente qui prendra en charge la mise en place de la  stratégie de développement du secteur  sous notre direction en associant tout le monde, de telle sorte que le prochain gouvernent pourrait peut-être apporter des modifications, mais sans pour autant toucher au fond.

Une idée sur les grandes lignes de la feuille de route

Au delà des actions conjoncturelles déjà engagées, la nouvelle feuille  de route préconise un nombre d’actions tendant à amorcer un mouvement de reformes structurelles à même de garantir la pérennité et la durabilité de l’activité touristique.

Pour 2012 l’urgence porte sur la restauration de la confiance des touristes et le rétablissement de la place  de la destination tunisienne sur les marchés émetteurs à travers une promotion ciblée et innovante.

La feuille de route est composée de six axes. Il s’agit de la diversification du produit et la qualité ; la promotion et le marketing ; l’endettement et les mécanismes d’incitations à l’investissement ; le Web compatibilité aussi bien en promotion qu’au niveau de la commercialisation ; la connexion aérienne et l’Open sky et la gestion du tourisme selon une nouvelle approche de l’institutionnelle avec un objectif avec plus de décentralisation et plus de partenariat «Public/Privé».

Il ne faut pas omettre qu’autour de tous ces axes, des actions de «quick wins» seront engagées  dont une douzaine, au courant de cette année.

Quant aux autres, on ouvrira le chantier mais elles se poursuivront dans les années à venir. Et dans une perspective de garantir la pérennité, on s’oriente vers la création d’un Conseil supérieur du tourisme regroupant l’ensemble des départements ministériels concernés par l’activité touristique et qui sont au nombre de huit. En outre, le Conseil réunira les professionnels en l’occurrence les fédérations qui aura l’autorité sur l’avancement de cette stratégie.

C’est pour quand, la création de ce conseil supérieur du tourisme, qui pendant des années a été une demande incessante des professionnels du secteur ?

C’est pour très bientôt. D’ailleurs, c’est dans le cadre de la mise en place de l’Unité de gestion par objectif, chargée de veiller à la mise en place de la stratégie de développement du tourisme, que l’on demandera la création du Conseil supérieur du tourisme.

Un conseil qui aura l’autorité suprême dans le secteur.

Et c’est aussi, un mécanisme pour garantir encore une fois, la pérennité des réformes engagées dans ce secteur stratégique pour l’économie nationale. Nous sommes peinés quand on voit un secteur aussi important en terme de création d’emplois et de richesse avec autant de difficultés structurelles. Sachant que la Tunisie n’exploite qu’à peine 50% de son potentiel.

Et pourtant, elle ne manque pas d’expérience, de patrimoine et de savoir-faire. Sans compter la  proximité avec les marchés européens, les nouveaux  marchés qui s’ouvrent à nous dont les marchés russe, et chinois….

Le potentiel de la destination est énorme. La Tunisie est restée concentrée sur 6 pays qui font 90% de son chiffre d’affaires, et sur un seul produit qui fait l’essentiel de l’activité touristique. Quand on sait qu’un million de touristes contribuent à la création de 70.000 emplois, selon les indicateurs internationaux, et que la Tunisie avec 5% de croissance arrive à peine à créer 75.000 postes d’emploi…

c’est dire l’importance du secteur touristique pour l’économie du pays certes mais aussi, de la capacité du tourisme à s’ouvrir sur d’autres cultures, d’autres peuples et d’autres civilisations et c’est ce qui fait la richesse et la modération de la Tunisie.

Les sit-in se poursuivent. Est-ce que cela représente un danger, une menace pour l’activité touristique ? Et quels traitements pour ces problèmes sociaux ?

A mon sens, il y a deux plans : le premier c’est de veiller au retour des touristes au moins en nombre d’avant la Révolution, en 2010, même si c’était  un équilibre fragile.

Et en même temps engager les réformes afin de changer le modèle économique dans tous les secteurs, afin de reprendre une croissance normale et éviter la fuite en avant et la précarité. D’où, l’engagement des réformes structurelles qui, à mon sens, demeure la solution radicale. Tout le reste c’est de l’aspirine. Par ailleurs pour réduire les tensions et trouver des solutions, il faudrait procéder au cas par cas, chercher des pistes en collaboration avec les autres départements afin d’apaiser les esprits via notamment la proposition d’introduire des mesures financières et sociales,  afin de soutenir le secteur dans la loi de Finances complémentaire.

On peut bien comprendre que les employés dans le secteur n’ont pas de visibilité et qu’ils ont peur pour leur emploi.

On passe évidemment du temps à régler les problèmes sociaux, mais aussi à rassurer les investisseurs et les hôteliers qui travaillent et apaiser leur inquiétude.

La question fondamentale qui nous préoccupe et sur laquelle on travaille demeure : comment faire pour que les touristes reviennent ? Une question sur laquelle on travaille à travers des actions de marketing, à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Mais, on n’est pas seul. Car, cela ne dépend pas exclusivement du ministère du Tourisme.

Bien au contraire, il y a d’autres facteurs, dont le volet environnemental, les messages politiques, la gestion de la situation environnementale et sécuritaire, qui empiètent sur le tourisme.

Plus on coordonne pour améliorer la situation plus on réduit les tensions sociales.

Justement pour le volet sécuritaire, le problème des salafistes et leur appel à la haine nuit énormément au secteur. Comment faire face à ces messages de haine pour rassurer les touristes à revenir ?

Nous condamnons cet état de fait, sans compter que la loi condamne toute forme de xénophobie, appel à la haine et violence….et dans ce sens, j’estime que la loi s’applique à tous.

La première réponse à ce genre de comportement, c’est de faire appliquer la loi. On est dans une période de transition et on essaye de changer nos méthodes justement dans ce contexte et ce n’est pas toujours facile.  D’ailleurs, M. Ali Laaridh, ministre de l’Intérieur, fait bien son travail pour trouver le bon équilibre : avec le même appareil, on tente de faire respecter la loi, respecter les droits de l’homme. Une équation difficile à concrétiser.

Il faut que l’Etat retrouve sa force à faire respecter la loi tout en respectant les droits de l’homme.

En tant que ministère du Tourisme, on n’arrête pas d’organiser des opérations marketing, de relations publiques, d’inviter les journalistes étrangers à visiter et découvrir la Tunisie d’après la Révolution.

De notre côté, on se déplace aussi à l’étranger et on tente d’expliquer les spécificités de la nouvelle Tunisie. Car, les courants extrémistes existent. Mais, il faut préciser qu’ils sont minoritaires et ne représentent pas les Tunisiens.

On est dans une période de transition et on est en train d’apprendre la liberté et tout prend du temps.

Les journalistes étrangers trouvent, après leur visite, que la destination est calme et qu’elle est sûre. Et c’est ce message qu’ils transmettent et qu’ils relaient dans leurs journaux. Je trouve que le seul moyen est de contrecarrer la communication négative, de voir l’autre revers de la médaille et de veiller à une communication positive.

Aujourd’hui, on peut dire que la communication positive est à 80%, contre 20% uniquement de communication négative.

En tout état de cause, plus on travaille sur l’amélioration de l’économie nationale, sur la culture….plus on réussit à apaiser les tensions. D’ailleurs, ces mêmes salafistes, s’ils respectent la loi, la démocratie les protègera, sinon ils seront pénalisés par la loi.

Je demeure optimiste et j’estime que le plus difficile reste à faire.

En ce qui concerne la gouvernance du secteur, y a-t-il un véritable partenariat entre l’Administration et la profession? Et comment vous l’imaginez pour un avenir meilleur du secteur ?

Le contexte est difficile pour instaurer un partenariat constructif. On s’efforce quand même peu à peu….

Dans d’autres pays, le tourisme est géré par les professionnels, chez nous c’est différent. L’Administration intervient très peu.

Dans des pays comme l’Espagne, la France, 80% du secteur sont gérés par les professionnels.

Au niveau des régions ce sont les Collectivités locales publiques qui gèrent le secteur en partenariat avec les professionnels. En Tunisie c’est l’inverse.

En attendant que la situation change, il faudrait restructurer le secteur, agir sur l’endettement, lancer les investissements, régler les difficultés structurelles….La gestion du secteur est également à revoir.

Les professionnels sont actuellement sous pression, eu égard aux difficultés qu’ils rencontrent (baisse des chiffres d’affaires, charges sociales…).

Ce n’est peut-être pas le moment opportun d’engager un partenariat.  Sans compter qu’il y a un historique basé sur l’assistanat, l’incompréhension.

Ceci étant, j’espère qu’une nouvelle page sera ouverte dans les rapports entre l’Administration et la profession. Plus on avance et on construit des choses ensemble, plus on avance sur des projets concrets, plus la relation se consolidera. J’espère que dans 5 ans, on changera les relations et les patriotes ceux qui aiment le secteur, prendront leur métier en main pour le développer.

Vous êtes également optimiste quant au changement de la nature des relations entre l’Administration et les professionnels ?

Je ne pars pas d’une idée reçue. Il faut trouver le boyau pour engager le changement.

C’est à lui, par la suite, de mener les changements et d’être le porteur du projet. Bien sûr je suis optimiste, sinon je n’aurais pas accepté ce poste et cette responsabilité. Les professionnels ne demandent qu’à faire évoluer les choses et penser autrement le tourisme.

Les projets des nouvelles zones touristiques seront-ils maintenus ? Si oui, gardera-t-on le même modèle de développement ?

La première décision à prendre est de publier les textes relatifs aux nouveaux modes d’hébergement dont les gîtes ruraux, les maisons d’hôtes et les hôtels de charme.

Personnellement, je n’aime pas le terme zones touristiques. C’est un modèle qui a atteint ses limites. On a fini par créer des ghettos. Aujourd’hui, il faut plutôt aller vers des notions de vocation de l’urbanisme au sens large. Il faudrait, à mon sens, repenser les modes d’hébergement en intégrant les touristes dans la richesse de notre patrimoine archéologique et culturel.

Le touriste ne devrait pas rester à l’écart de la population, de ses us et coutumes, de son mode de vie au quotidien…

On mettra en place des normes bien établies afin que cette nouvelle génération d’hébergement entre en activité avec un niveau de contrôle plus rigoureux.

Par ailleurs, dans le cadre de la révision du Code d’incitation à l’investissement, de nouvelles mesures seront intégrées pour promouvoir le tourisme alternatif, développer l’animation et le para-hôtelier, qui constituent du reste, un handicap pour le secteur.

Le web tourisme n’est pas du tout développé. Est-ce qu’on peut dire que nos hôteliers sont hostiles aux nouvelles technologies ?

La perte du marché allemand est due entre autres, au fait qu’on n’a pas su prendre en considération le développement du web tourisme. Plus de 90% des touristes se renseignement sur les destinations sur Internet et 60% achètent leur séjour sur le Net.

C’est pour cela que dans le cadre de la stratégie, on a lancé le projet archipel qui sera une sorte de banque de données numérique sur laquelle travaillent environ 200 personnes.

En plus, on a mis en place des incitations afin d’encourager les hôteliers à adopter les TIC. Ce qui facilitera la commercialisation.

Les hôteliers n’ont pas été peut-être hostiles, mais c’est la motivation qui manquait. ce sont les TO qui commercialisent les hôtels à hauteur de 90%, avec très peu d’individuel sur la destination. Car l’individuel est fortement lié à l’aérien, c’est à l’Open sky de faciliter l’accessibilité.

Mais on n’arrête pas de retarder l’entrée en vigueur de l’Open sky. Et pourtant, sa valeur ajoutée au tourisme est plus qu’avérée ?

Le ministre du Transport a annoncé que les négociations sur l’ouverture du ciel seront engagées avec l’Europe au cours du premier semestre de l’année 2012 et dureront entre six à 12 mois.

On est conscient et convaincu qu’on ne peut plus, désormais retarder indéfiniment l’ouverture du ciel. D’ailleurs, elle est  prévue dans le programme du gouvernement.

Il faut dire aussi que TUNISAIR avec sa nouvelle équipe est plus que consciente de cet impératif.

Elle aura certes des moments difficiles, mais elle finira par se spécialiser et elle développera de nouvelles activité en se basant sur les autres expériences. Elle sera plus saine, avec des prix compétitifs et en toute responsabilité.

L’ouverture du ciel se fera conformément à un plan carré et un agenda progressif pour attirer une nouvelle typologie de touristes.

On aura en tête l’exemple de la Turquie qui a réussi, avec l’Open sky, à passer de 10 à 30 millions de touristes.

La Tunisie a les moyens de passer rapidement de 7 à 10 millions. Les trois millions supplémentaires permettront la création d’environ 200.000 emplois. A mon sens, l’ouverture du ciel permettra d’atteindre les objectifs de la Révolution, avec une meilleure exploitation des richesses régionales et par la même occasion, de garantir le développement régional tant recherché. Le tourisme est, sans aucun doute, un levier central du développement régional.

Où en est l’examen des dossiers de corruption relevant du secteur, notamment les affaires afférentes aux terrains accordés de manière abusive, arbitraire et injuste à des proches de l’ancien régime ?

Nous avons entamé l’examen des dossiers de corruption depuis déjà quelques mois.

Depuis le mois de février dernier, nous avons remis les dossiers à la Commission de malversation financière, notamment les dossiers en relation avec les personnes proches du pouvoir qui ont pu bénéficier d’avantages sur des terrains et des marchés publics accordés de manière illégale.

Aujourd’hui, la Commission est chargée de ces dossiers et elle nous demande, de manière cyclique, des compléments d’information.

D’ailleurs, nous travaillons en étroite collaboration pour approfondir la recherche. Ceci étant, c’est la justice transitionnelle ou la justice ordinaire, ou encore la Commission qui devraient décider de l’issue des dossiers. Entre-temps, nous avons procédé aux retraits des options (terrains octroyés gratuitement). On continue de recevoir des dossiers de corruption vu que le secteur a été extrêmement touché.

La qualité des prestations dans le secteur est mauvaise. Pour certains, c’est un problème de formation. Pour d’autres, ce sont les bas salaires ? Qu’en pensez-vous

Il y a un peu de tout. Le plus important, certaines écoles de formation ont été massacrées dont l’Institut de Sidi Dhrif.  Il s’agit de revoir aussi la méthodologie de la formation. Ceci étant, le grand problème du secteur demeure la saisonnalité. Ce qui n’encourage pas les gens à travailler dans le tourisme. Sans compter la spirale infernale des bradages des  prix qui génère forcément une baisse de la qualité, de l’entretien des unités tout autant que l’investissement dans la formation continue.

Un autre problème grave qui entrave le tourisme reste l’endettement. Y-a-t-il de nouvelles pistes pour régler cet handicap qui tire le  secteur vers le bas ?

L’endettement est un problème qu’on traine depuis plus de 10 ans. Et, au fil des ans, la situation s’est aggravée.

Une étude élaborée en 2003 établissait l’endettement du secteur à hauteur de 800MD, avec une cinquantaine d’hôtels concernés.

Aujourd’hui, le chiffre a plus que triplé, il est autour de 3000 MD, et le nombre d’unités a doublé (environ 120). Sous l’ancien régime il n’y avait pas le courage politique nécessaire pour s’attaquer au problème d’où la complication de la situation et surtout de trouver des solutions. Maintenant, le dossier a été confié à la Banque Mondiale dont une commission a étudié les dossiers concernés.

Elle a d’abord classé les hôtels endettés en trois catégories : des hôtels sans espoir, d’autres en difficulté mais qui peuvent remonter la pente moyennant une restructuration financière et de gouvernance ; et des hôtels qui fonctionnent bien. La commission de la Banque Mondiale a proposé quelques pistes que la BCT a demandé d’affiner afin de décider laquelle adopter. Le rapport est finalisé. Il reste aujourd’hui à décider et à s’attaquer au problème en toute responsabilité.

Nous attendons la réunion avec le Gouverneur de la BCT, le ministre des Finances et les professionnels pour mettre en place une feuille de route.

Il s’agira de solution globale, sans pour autant penser à éponger les dettes. Ce qui compte, c’est la volonté de résoudre le problème. Le gouvernement est déterminé à ouvrir ce dossier dès qu’on termine la validation du programme gouvernemental par l’Assemblée constituante.

Il est tout autant décidé à en faire une priorité parce que l’endettement tire non seulement le secteur vers le bas mais aussi le secteur financier.

Le tourisme intérieur demeure désormais, la 5ème roue de la charrette ?

Oui, du moment qu’il n’est pas considéré comme un marché à part entière, et tant qu’une stratégie qui lui est propre, une commercialisation et un marketing adéquat ne sont pas mis en place, la situation ne changera pas.

Le marché intérieur est important.  Il faudrait travailler sur le développement d’une culture de tourisme local en incitant les Tunisiens  à réserver à l’avance.

Il faudrait également travailler sur les chèques vacances qui sont de nature à inciter au tourisme intérieur.

Ces efforts sont valables aussi pour les Tunisiens à l’étranger  auxquels il faudrait réfléchir pour les inciter à passer des vacances dans les hôtels. Ils sont environ un million, ce qui est non négligeable.

Il en est de même pour les marchés voisins dont certains, à l’instar du marché algérien, fonctionnent exactement comme le marché local, alors qu’il faudrait les considérer comme des marchés à part entière.

C’est ce qu’on essayera de promouvoir dans le cadre des actions «Quick wins» prévues dans la feuille de route de développement du secteur. Néanmoins, la clé de réussite demeure la diversification du produit afin qu’il soit mieux adapté aux besoins des Tunisiens.

Les Pavés :

Bien sûr je suis optimiste, sinon je n’aurais pas accepté ce poste et cette responsabilité. Les professionnels ne demandent qu’à faire évoluer les choses et penser autrement le tourisme.

Aujourd’hui, nous avons le courage politique nécessaire pour prendre les décisions adéquates, et notre décision n’est pas biaisée par des facteurs exogènes.

Au delà des actions conjoncturelles déjà engagées, la nouvelle feuille  de route préconise un nombre d’actions tendant à amorcer un mouvement de reformes structurelles à même de garantir la pérennité et la durabilité de l’activité touristique.

Nada Fatnassi publié dans REALITES