Elyes Fakhfakh, ministre du Tourisme dans le gouvernement de transition, réputé pour ses vues pragmatiques, essaye depuis sa nomination de provoquer de nouvelles synergies dont il donne un éclairage subtil et proche de tous les acteurs s’intéressant à cette précieuse dynamique qu’il souhaite mettre en place pour entrouvrir toutes les lucarnes essentielles à la relance de la destination.


Quel bilan faites-vous de l’année 2011?
L’année 2011 a été par excellence l’année du repli du secteur touristique en Tunisie. Impactée par les effets de la révolution, appuyée par la guerre à nos frontières, tous ces facteurs combinés, nous avons enregistré une baisse de près de 40% sur les marchés européens et de 30% tous marchés confondus. En termes de fréquentation, c’est quelque deux millions trois cent mille personnes de moins. Evidemment, il y a des marchés qui ont été touchés de façon plus importante tels que le marché italien (-50%) et l’Espagne et d’autres marchés européens qui ont été impactés de façon plus faible tels que le marché russe, belge, algérien ou libyen, de l’ordre de -18%.

Y a-t-il un effet direct sur l’année 2012?
Absolument. Directement liée à cette conjoncture plus ou moins morose qui a marqué l’année 2011 et durant laquelle toute la chaîne touristique a été impactée négativement depuis les hôteliers, aux transporteurs, en passant par les restaurateurs, les agences de voyages, les artisans, l’année 2012 hérite d’un secteur déjà fortement fragilisé par des problèmes structurels.
C’est pour cela que nous comptons tout faire et n’épargner aucun effort en partenariat avec les professionnels pour renseigner et convaincre les touristes de revenir. Renseigner et communiquer pour mieux expliquer que notre révolution est presque unique dans son genre puisqu’elle n’a duré qu’un mois et que les perturbations d’ordre sécuritaire ont été quasiment maîtrisées au bout de 4-5 mois, que la situation était redevenue normale et que la destination est prête à accueillir de nouveau les touristes. Force est de reconnaître aujourd’hui que ce qui se passe dans le monde arabe sème une grande confusion aux yeux des consommateurs. Ce qui se passe au Yémen, en Syrie, en Egypte, et qui passent pour des destinations de proximité, provoque une crainte chez le consommateur. Donc, il faut mener une grande campagne pour expliquer qu’en Tunisie la démocratie est en marche, que la situation sécuritaire s’améliore. Dans ce sens, nous avons œuvré à ramener le maximum de journalistes pour s’enquérir et rapporter de visu leurs impressions de la destination. A cet effet, depuis deux mois, on a invité plus de deux cents journalistes étrangers en Tunisie. On a également invité tous les grands patrons des AGV et des TO de quasiment tous les marchés potentiels. Notre objectif était de rassurer sur la situation sécuritaire en Tunisie, de permettre à ces partenaires de constater de visu sur le terrain la véracité des faits et de donner de la perspective au secteur.
Il s’agit donc de trois choses. D’abord expliquer le gouvernement en place et son orientation sur le plan touristique en soulignant qu’il ne va pas changer de physionomie, qu’il restera balnéaire et qu’il n’y aura pas d’interventionnisme. Mais aussi expliquer que la révolution sera aussi économique car aujourd’hui le secteur touristique, combien important pour notre économie, sera repensé, modernisé, diversifié, plus culturel, de meilleure qualité et que la Tunisie s’engage pleinement dans ce secteur. Voilà, ce sont les trois aspects dont on essaye de parler et qui résument en fait toute l’action envisagée pour 2012.
Pour revenir à la question, si on prend les réalisations de ces deux mois (janvier, février) qui représentent d’habitude la période creuse, on constate une bonne tendance. On a une augmentation de plus de 50% comparativement à la même période de l’année 2011, et une baisse de l’ordre de 20% par rapport à 2010, sur les marchés européens, avec toujours quelques variantes entre la France, l’Italie et la Belgique.
Mais on a aussi quelques indications sur les réservations, même si aujourd’hui les early-booking (réservations à l’avance) sont de moins en moins fréquents car on s’oriente plus vers le last minute, qui nous laissent plutôt optimistes si la situation sécuritaire se maintient ou s’améliore, si tous nos opérations de communication se passent dans les délais avec l’efficacité requise (événementiel, affichahge, road show, etc). En effet, plus on maîtrise la situation sécuritaire, plus on communique mieux et plus rapidement on reviendra au niveau de 2010. Ceci dit, si on arrive à récupérer la moitié du déficit enregistré en 2011, c’est-à-dire résorber 15% du déficit enregistré, l’autre moitié sera sans doute récupérée en 2013, grâce à des actions plus pointues pour retrouver les performances de l’année 2010 qui étaient de sept millions de touristes et personnellement je travaille pour revenir à cette performance durant cette année et l’année prochaine.

Vous venez d’effectuer une tournée dans plusieurs foires et salons touristiques. Quels sont les échos des T.O que vous avez pu recueillir?
Tout à fait. Ces pronostics ne sont pas établis à partir de mes assentiments. Je pars sur la base de chiffres concrets des réservations concrètes, sur les vols, sur les options effectuées. Donc les chiffres réels à partir des états des réservations et des échos recueillis, pour avoir une idée sur ce que va être le scénario. J’intègre aussi dans cette démarche les propos qui ont été dits par les TO en Tunisie, lors de la rencontre qui a eu lieu en Tunisie (le 3 février dernier). Ces poids lourds de l’industrie touristique qui travaillent sur la Tunisie et qui sont plutôt optimistes, sachant bien qu’ils ont perdu d’autres destinations sur lesquelles la vitesse de récupération est beaucoup plus lente et donc la Tunisie, avec son process plus rapide, est la destination sur laquelle ils comptent se refaire une santé.
Ce qui nous laisse un peu plus confiant quant au futur de la destination. Maintenant, ce qu’il faut, c’est soutenir dans le court terme les efforts de promotion des TO. Il faut créer la demande en touchant de plus près le consommateur. Sur ce plan, nous sommes en train de déployer de grands efforts pour expliquer aux consommateurs que la Tunisie est de nouveau ouverte pour les accueillir dans de bonnes conditions. Sur le long terme, les TO et les grands groupes hôteliers, qui, aujourd’hui, dans le nouveau contexte et le nouvel environnement et climat d’affaires, attendent pour voir le nouveau code d’investissement, sont déjà dans la perspective de mener et concevoir une stratégie à long terme pour la Tunisie. Ce qui nous pousse à accélérer le pas pour restructurer. Je peux certifier que trois grands acteurs touristiques au moins veulent bâtir une stratégie à long terme en Tunisie, ce n’était pas le cas avant. Maintenant c’est le cas, car le climat est plus sain. Certes, cela ne va pas se passer cette année, mais ils visent la Tunisie comme un pays potentiel où il faut investir et commencent déjà à réfléchir sérieusement sur la question.

Est-ce que le report de l’opensky pose un problème?
Le problème de l’opensky dépend des TO, car il y a des TO qui disposent de leurs propres flottes et pour lesquels l’opensky poserait un problème. Il n’empêche, l’opensky pose définitivement un problème pour le tourisme tunisien, pour les TO et pour nos partenaires. C’est la loi de la concurrence qui améliore le produit. Ça c’est connu. En termes de rapport qualité-prix. Naturellement, sur une région où il y a quasiment un monopole, il n’y a pas de compétition, même si l’offre actuelle a beaucoup évolué. L’autre chose, c’est que la Tunisie est une destination qui est à 80% vendue en package transport aérien parce qu’on est lié à des vols charters, à des vols réguliers. Aujourd’hui un touriste qui se décide très tard de partir parce qu’il fait 25° à Tunis et 5° chez lui et qui a une motivation (golf, thalasso, culturel), il rentre sur les sites du E-Tourisme, peut trouver un hôtel, la motivation qu’il cherche mais quand il va acheter l’avion, il va être découragé car il va trouver le prix du billet qui coûte trois fois celui de l’hôtel et de la visite ou de l’activité qu’il envisage d’effectuer. Là, il va quitter pour chercher une autre destination de même distance mais qui offre un coût de transport beaucoup plus intéressant. Il va donc se rabattre sur le Maroc, la Turquie, l’Egypte et nous serons ainsi pénalisés par cela. Donc sur tout ce qui est tourisme individuel on est pénalisé. Il faut donc équilibrer l’offre pour ce genre de demande aussi bien en termes d’animation, d’hébergement que de transport.

Le partenariat administration-profession est un axe essentiel pour la relance. Qu’en pensez-vous?
Je ne vais pas parler du passé. Pour le premier gouvernement de transition dans une année exceptionnelle où tout le monde essayait de sauver les meubles, il n’y avait pas de visibilité. Toute l’action était destinée à maîtriser ce qui n’était plus maîtrisable. Aujourd’hui on s’inscrit beaucoup plus en ouvrant une nouvelle page, même si ce gouvernement est également un gouvernement de transition. C’est une transition mais elle a ses spécificités, à savoir la légitimité d’engager des réformes structurelles dans le cadre d’une vision globale. Aujourd’hui nous voulons associer les professionnels dans la réflexion de ce qu’il y a à faire de manière urgente. A baliser la voie aux solutions à apporter pour le soutien ou pour la relance de la destination. Et ils ont été associés quasiment à toutes les décisions dans ce sens en prenant compte de toutes leurs demandes, car ils savent mieux que l’administration de ce qu’il y a à faire sur le terrain et nous agissons en tant que facilitateurs pour apporter de la suite aux solutions concrètes. D’ailleurs je vais vous citer un exemple par rapport à ces demandes concrètes : sur la question de la prolongation des mesures de soutien à la profession, on les a intégrées dans la loi de finance complémentaire, pour la réduction des taxes sur les croisiéristes, un CIM a été tenu en urgence et les taxes ont été baissées, pour libéraliser la Omra on fait un CIM et on a créé un comité qui est chargé de travailler sur les moyens à même de libéraliser la Omra. On a également réfléchi ensemble sur comment communiquer. Ceci dit, tout ce qui est conjoncturel on essaie de le gérer ensemble mais on est également en train de travailler sur comment repenser notre tourisme.

Plusieurs études censées repenser notre tourisme ont fini dans les tiroirs. Qu’en est-il de la toute dernière, celle de Roland Berger?
On l’a sortie des tiroirs trois jours après ma prise de fonctions. J’ai invité les membres de cette mission qui a mené cette étude à me la présenter en présence des fédérations. Et sans détour, j’ai clairement posé la question car au moment de sa réalisation on était dans un régime qui peut-être aurait tendance à en biaiser les résultats ou le diagnostic et où on a été un peu conciliant et on a préféré ne pas dire toute la vérité car la vérité dérangeait l’ancien régime. J’ai aussi demandé à savoir si l’axe de développement était biaisé par d’autres considérations. Mais j’ai aussi dit que si ce n’était pas le cas, c’est tant mieux.
C’était mes deux principales interrogations. Sur le diagnostic et sur l’orientation. Deuxième chose : en 2011, on a eu une année catastrophique sur le plan touristique, ce qui a indéniablement un impact sur les priorités. Pareil, il faut refaire les priorités en fonction de la nouvelle situation. Ils sont donc revenus en Tunisie pour aller revoir tous les acteurs (tourisme alternatif, hôteliers, Av, Tunisair, Ontt) et nous sommes en train de travailler sur comment élaborer nos orientations stratégiques et comment les mettre en pratique de façon opérationnelle. On est donc en train de tout revoir ; qui va piloter? Quels sont les autres ministères à impliquer? Qui sont les professionnels? De quelles régions? Car on ne peut plus agir sur un plan purement central. On veut impliquer des personnes des régions au niveau du pilotage mais aussi au niveau de la mise en œuvre. On veut aussi mettre un axe sur les mesures conjoncturelles et les actions de retour sur investissement rapides. On veut donc commencer par les choses qui sont urgentes, nécessaires et réalisables en 2012/2013, car on ne va pas faire tout ce qui a été prévu pour cinq ans (car ce n’est qu’un gouvernement de transition), mais on va faire des choses en associant tout le monde. Cependant, nous sommes confrontés à un problème.

Il s’agit peut-être du financement?
Le financement ne pose pas problème car il y a la volonté de ce gouvernement qui ne lésinera pas sur les moyens parce qu’il considère le tourisme comme un pilier de l’économie. C’est la mécanique opérationnelle de la mise en œuvre qui nous intrigue. Aujourd’hui, si on va suivre les procédures administratives habituelles, on va passer une année sans rien faire. Il faut aller vite, d’où l’idée de la création d’une unité de gestion par objectifs. Là, nous sommes en train de monter le projet pour le faire approuver par un conseil ministériel avant fin mars pour qu’on ait un outil plus souple, plus flexible de gestion. Tout cela on est en train de le mener en parallèle. Cette semaine, j’aurais une réunion avec les intervenants qui vont être associés dans ce projet. Donc on est en train de construire toute cette étude-là et sur l’aspect contenu comme sur celui de la mise en pratique, et qui une fois validée par tous les intervenants, aussi bien administration que profession, elle sera soumise au Conseil ministériel, en espérant, qu’au début d’avril, la mise en place de cet outil sera possible pour s’attaquer et commencer le travail sur la question de l’endettement, sur la question de la connexion numérique, sur la diversification des produits, sur la qualité, etc. Ainsi, on pourra rentrer progressivement sur les chantiers que le tourisme attend depuis des années.

A propos de la question de l’endettement, comment comptez- vous résoudre cette question épineuse?
Le problème, c’est qu’il y a des hôtels mal structurés, sous-structurés financièrement selon les cas avant la révolution. Et du coup, on était avec un pourcentage de 60 à 80 hôtels qui étaient en difficultés majeures et qu’il y avait une deuxième catégorie de 50 à 60 hôtels en difficultés. Avec la révolution, les cinquante hôtels qui étaient en difficultés ont glissé vers la catégorie des hôtels qui connaissent des difficultés majeures. Du coup, le nombre est devenu très important. C’est un problème auquel on n’a jamais pris le courage de s’attaquer. Aujourd’hui, Il y a eu une étude qui a été lancée en novembre dernier par la Banque Centrale en partenariat avec la Banque Mondiale et le ministère du Tourisme pour dire quelles sont les solutions possibles, en s’inspirant de ce qui s’est passé dans d’autres pays ou d’autres secteurs. Donc ils ont mené cette étude en consultant tout le monde et sont arrivés à nous présenter le 26 février un premier résultat avec quatre scénarios. C’est la BCT qui est le chef de file sur l’étude mais on est associés et on a demandé de faire une étude complémentaire sur deux scénarios. Et on leur a donné un mois pour approfondir ces deux scénarios afin de choisir le meilleur. Et normalement, avant la fin du mois de mars, ils vont nous présenter les deux scénarios dont nous choisirons celui adapté à notre contexte, adapté à notre situation financière, adapté aux hôteliers eux-mêmes, adapté à la situation sociale, pour la résolution de ce problème.

Pensez-vous que le glissement du dinar face à l’euro peut représenter une chance pour le tourisme tunisien?
La Tunisie est déjà une destination très compétitive. Nous avons un produit qui reste compétitif sur tous les plans. Le problème, c’est qu’on est rentré dans une spirale infernale de baisse de prix qui n’est pas justifiée. Aujourd’hui, il faut renverser la tendance en restructurant le secteur pour qu’il n’ait plus à survivre mais à vivre, et ce, en améliorant la qualité. En faisant ces deux aspects, on peut même augmenter nos prix car on a encore de la marche à faire. On est la destination la moins chère du bassin méditerranéen, mais on a beaucoup de concurrence, il y a des pays comme ceux des Balkans qui n’étaient pas du tout sur l’offre et qui, aujourd’hui, dévoilent un énorme potentiel touristique ou encore la Turquie qui faisait le tiers de ce qu’elle fait maintenant. Tout le monde fait des pas en avant sauf la Tunisie qui continue à être une destination à part entière avec des prix très compétitifs. Il faut tout juste sortir de cette spirale de baisse des prix moyennant une bonne stratégie par laquelle il faut résoudre le problème structurel financier qui nuit à l’offre dans sa globalité et redémarrer progressivement l’amélioration de la qualité avec l’amélioration des prix et on aura de quoi satisfaire tout en gardant des prix compétitifs.

Ce qui vient de se passer à Sousse ou dans d’autres sites touristiques, en l’occurrence des démonstrations de force des salafistes, nuit beaucoup à la destination. quelle est votre position vis-à-vis de ce problème?
Ce qui s’est passé à Sousse et qui est d’ailleurs rapporté tous les jours dans la presse étrangère nuit énormément à l’image de la destination. Pour ma part, je ne tombe pas dans l’amalgame, pourquoi? Quant on dit salafistes, il y a plusieurs catégories ; il y a ceux qui ont une vision propre de l’islam mais qui donnent aussi l’image d’une Tunisie qui est aujourd’hui pour tout le monde, pour chaque conviction individuelle même si je reste convaincu que la majorité des Tunisiens sont modérés.
On a une très vieille histoire de la pratique de l’islam en Tunisie et du Madheb El Maliki , de la Zeitouna. On a une école de l’islam, mais il y a aussi des choses qui nous sont étrangères et donc à ce niveau, la greffe ne prendra pas. Il n’empêche, ces gens-là ont la possibilité de vivre ici comme tous les autres Tunisiens mais à une seule condition, celle de respecter les lois de la Tunisie, de la République, de la société civile, des libertés individuelles. Tout ce qui est violence ou contrainte est réprimable par la loi et la loi s’applique aussi bien aux salafistes qu’aux autres individus. Si nous, on commence à faire la part des choses, ce sera beaucoup mieux. Notre gouvernement doit être plus ferme dans l’application de la loi contre tous ceux qui l’enfreignent, car il n’y a pas que les salafistes qui nuisent à l’image du pays. Moi quand je vois que le débordement des constructions anarchiques, les sit-in sauvages et autres actes, cela nuit également à l’image de la Tunisie. Il faut donc qu’on revienne progressivement à l’Etat qui se respecte et qui applique les lois, surtout pour ceux qui enfreignent les lois. D’un autre côté, il faut qu’on revienne à la sérénité et accepter que des gens différents sont des Tunisiens qui ont une autre vision des choses. Il faut qu’on sorte de cet aspect monocolore ou incolore. C’est aussi ça la liberté, la démocratie. C’est vivre comme souhaitent vivre les gens, dans leurs modes individuels ou vestimentaires. Et le touriste comprend parfaitement cela car il est habitué à vivre même à Paris ou à Londres, là où il y a de toutes les convictions et les obédiences ; il y a des barbus, des filles portant le niqab, d’autres en mini-jupes, il n’y a pas de problème quand on respecte les lois. Le tourisme est un vecteur de communication en interne mais aussi avec les étrangers. C’est un vecteur de tout. Vecteur de réussite des objectifs de la révolution en termes de création de postes d’emploi, de disparités régionales, le tourisme peut faire tout cela. Notre révolution c’est liberté, démocratie, travail, justice sociale et justice dans les régions et le tourisme c’est un vecteur de création des emplois dans ces régions défavorisées et de liberté, car la liberté, c’est d’accepter que les gens se baignent ou boivent et le tourisme peut aussi être un vecteur de cette sérénité avec l’identité parce qu’on doit connaître mieux notre histoire et notre passé en allant visiter les sites et en étant au contact aux touristes. Cet échange avec l’étranger et entre Tunisiens qu’on va retrouver cette identité. Tout ça est aujourd’hui libre et le tourisme peut jouer une mission et un rôle central dans ces aspects-là.
Il n’empêche, il faut être d’un optimisme vigilant. Il ne faut plus avoir peur. Cependant, le tourisme est l’affaire de tout le monde. C’est le pilier de l’économie. Dix touristes c’est un poste d’emploi. C’est la responsabilité depuis l’arrivée à l’aéroport, au taxi, la propreté, dans les souks, tout le monde est responsable de l’image de la Tunisie. Il n’y a pas que les salafistes. Dans le même sillage, on est déterminé à repenser le tourisme intérieur. C’est à lui de s’adapter. Le Tunisien n’est pas toujours le bienvenu et entre autres orientations, notre stratégie est de faire du touriste résident en Tunisie ou résident à l’étranger un touriste à part entière à qui on doit offrir des services de qualité à des prix compétitifs et de prendre en charge comme le touriste étranger. Aujourd’hui, on veut faire du tourisme intérieur un pourvoyeur d’emploi.

Dans un gouvernement à coloration islamiste, avez-vous l’intention de changer la physionomie des marchés touristiques émetteurs?
Quand on sait que 80% de nos marchés sont concentrés sur six pays, on pense systématiquement à la diversification des marchés . Il y a 40% entre l’Algérie et la Libye et il y a 40% entre quatre pays européens, la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre. Déjà, c’est une concentration énorme. Deuxième concentration : 80 % c’est le produit balnéaire uniquement. Ce constat, n’importe quel homme politique vous dira qu’il est nécessaire de diversifier notre produit et nos marchés. On doit diversifier nos marchés, c’est une priorité et quand on dit qu’on s’ouvre sur d’autres marchés, on doit s’ouvrir sur les pays de l’Est et on a consacré un budget assez important pour ces pays-là, la Russie c’est un continent, la Chine c’est un continent, on doit aller vers le Moyen-Orient. Le Moyen-Orient, c’est des gens qui ont un pouvoir d’achat très important mais qui sont exigeants, qui cherchent un produit différent, ils vont en Espagne, en France, la Tunisie est pour sa part absente. Mais est-ce qu’on a ce que le Saoudien ou le Qatari veut avoir ? Il veut une bonne , de l’animation, les restaurants du monde entier. L’aspect culturel les intéresse également. Il y a d’autres marchés, le Brésil, les USA. On va faire une conférence très importante début avril à Washington pour faire connaître la Tunisie. Il y a un courant de sympathie mais quand on dit qu’on doit diversifier, on ne doit pas réduire ou changer de marchés. Notre priorité aujourd’hui c’est nos marchés potentiels, et toute notre action est de rassurer et faire revenir nos marchés habituels. Deuxièmement, on doit travailler sur la diversification vers les pays de l’Est, vers l’Asie, vers la Chine, vers les pays du Moyen-Orient et les pays d’Amériques et chaque marché aura sa propre stratégie. On ne va pas vers un marché pour remplacer un autre plus particulier. Et je peux vous assurer que celui qui est garant de cette stratégie globale, c’est moi, avec bien sûr l’appui du Premier ministre et on est tout à fait en phase sur cette feuille de route.

Auteur : Propos recueillis par Chokri BEN NESSIR pour La Presse